Hommage à Tawfik Saleh

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English translation

Dans le tumulte qui remue l’Egypte, le bruit des balles, les vociférations des belligérants, sous la fumée des lacrymogènes, les gyrophares et les sirènes… Dans un dernier regard, les yeux et le cœur remplis d’espoir pour ce peuple qui a tant souffert, Tawfik Saleh rend l’âme. L’annonce du décès de cette pyramide du cinéma égyptien, arabe et tiers-mondiste, s’est faite discrète, presque inaudible… Pourtant il s’agit bien d’une pyramide dont l’œuvre continuera à éclairer les chemins de la liberté.

Tawfik Saleh est parti pour un repos éternel, les images qu’il nous a léguées, sa caméra engagée, pugnace, précise, son écriture audacieuse, ses transpositions des œuvres majeures, celle de Tawfik El Hakim,  Darb El Mahabil (1955), Yaumiyat Na’ib fi-l-aryaf (1968), celle de Ghassan Kanafani, Des Hommes sous le soleil, offert au cinéma sous le titre Les Dupes, ses scénarios originaux Al-moutamarridoune (1968) et Al-Sayyid Bulti (1967), Al-Ayyam al-Tawila (1980), autant de films qui traitent de l’Homme dans sa plénitude, dans sa quête du bonheur et dans les détails quotidiens de sa vie sociale, culturelle et politique. Le cinéma de Tawfik Saleh est celui d’un parti pris pour la justice, la dignité et l’émancipation. L’engagement politique de Saleh se double d’une rigueur esthétique sans partage, le cinéma transcende l’idée, l’image l’emporte sur la gratuité du discours, aucune concession n’est permise. Cinéma engagé, oui mais cinéma d’abord, jeu, rythme, composition, trame, suspens, drôleries, tensions, détente, pathos, humour, conflit, image et rêveries.

Tawfik Saleh est notre ami, l’ami des militants pour la démocratie, l’ami des militants pour l’art, il appartient à cette génération de vénérables vieillards qui ne mourront jamais, Tahar Chériaa, Sembène Osman, et bien d’autres éclaireurs de nos voies culturelles qui engagent le monde arabe et l’Afrique à se voir en miroir, à se scruter, à se définir, à aller de l’avant sur la voie de la dignité de l’Homme, de la justice sociale et de la création des valeurs.

Tawfik Saleh était avec nous aux dernières JCC qui lui ont rendu un hommage vibrant en présentant la quasi-totalité de ses  films, souriant, heureux et rempli d’espoir, aux côtés des émules comme Souleymane Cissé et des jeunes générations qui ont su porter la flamme et l’étendard du Cinéma militant, comme Moussa Touré qui a si brillé avec sa Pirogue. Et vogue le cinéma vogue !!
Paix à ton âme Tawfik, Nous savons que la flamme que tu as allumée ne s’éteindra jamais.

Lassaad Jamoussi